Radio Debout : une radio libre ?

dscf4664-1
Photo : Sebastien Poulain, avril 2016

« Radio Debout : une radio libre ? » C’est la question posée par la journaliste de l’AFP Claire Doyen à Thierry Lefebvre et Sebastien Poulain en avril 2016.

Porte-voix du mouvement Nuitdebout, Radio debout « occupe l’espace médiatique »

  • /  Paris (France)
  • –  22 avril 2016 07:57
  • –  AFP (Claire DOYEN)
  • /  PAPIER D’ANGLE
  • –  PREV

« Un-deux, Un-deux … Bonjour et bienvenue sur la place de la République avec Radio debout! » De 20H00 à minuit et depuis deux semaines, la webradio, émanation à Paris du mouvement citoyen Nuit debout, veut « réinvestir les médias ».

Devenue un porte-voix du mouvement lancé le soir du 31 mars contre le projet de loi travail « et le monde qui va avec », Radio debout, suivie par sa petite soeur Télé debout, a été créée car « occuper l’espace médiatique est aussi important qu’occuper l’espace physique », explique-t-on sur le compte Twitter @radio_debout.

Sous une bâche bleue, un ordinateur, une table de mixage, quelques micros et un paquet de câbles, le tout branché sur un groupe électrogène. « On est en direct, on est bien, posés sur des cagettes », décrit une animatrice à l’antenne. « Radio debout, c’est la radio qui se bricole tous les jours place de la République » dit-elle. Par des bricolos plutôt aguerris toutefois: à l’origine de l’initiative, on retrouve des professionnels des ondes et notamment de Radio France, qui préfèrent garder l’anonymat sur leurs activités nocturnes.

Selon Sébastien Poulain, sociologue en sciences de l’information et de la communication, la recherche d’un canal de diffusion des idées, « la propagande », est un enjeu pour tous les mouvements de contestation. Et dans la logique contestataire, « les médias traditionnels sont les miroirs de la masse atone et ils ne véhiculent que du conformisme », explique l’historien des médias Thierry Lefebvre.

D’où une certaine méfiance et un tri opéré par les « nuitdeboutistes » comme par les « zadistes » de Notre-Dame-des-Landes avant eux, qui choisissent de s’adresser uniquement aux « médias amis » avec des porte-parole dont beaucoup se font appeler « Camille ».

« Certains mouvements préfèrent devenir eux-mêmes le média pour éviter d’être récupérés, utilisés, déformés par les médias traditionnels qu’ils considèrent comme liés soit à l’État soit aux grand    es capitaines d’industrie », explique Sébastien Poulain. Pour ces médias alternatifs, l’utilisation du direct est gage de bonne foi car « tout peut se passer, tout peut être dit: il n’y a pas de tricherie possible », analyse le spécialiste.

– Pirates –

Entre diffusion in extenso des assemblées générales, entretiens avec des invités allant de l’anthropologue et figure de proue du mouvement « Occupy Wall Street » David Graeber à l’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, et les interventions libres et parfois logorrhéiques des noctambules de la place de la République, la webradio ouvre le micro « à ceux qui veulent », sans pub ni grille des programmes, pour « libérer la parole », reprenant ainsi le credo des radios pirates des années 80.

En France, les radios pirates ou radios libres comme Lorraine Cœur d’Acier qui a lutté à partir de 1979 contre les fermetures d’usines sidérurgiques dans l’est de la France, ou les radios vertes comme Radio Fessenheim militant contre l’ouverture des centrales nucléaires, ont essaimé jusqu’en 1981 avec Radio-Riposte, à l’origine de la libéralisation de la bande FM.

Aujourd’hui pour Radio debout, il ne s’agit plus de pirater une fréquence hertzienne mais simplement de diffuser sur internet via des plateformes libres d’accès. « Ce n’est plus le même enjeu et contrairement à ce qui se passait avec Radio Lorraine Coeur d’Acier, nous ne sommes pas dans un contexte de réel mouvement social », estime Thierry Lefebvre.

Selon lui, il n’y a pas place de la République à proprement parler de mouvement de grève ni d’occupation illégale et les affrontements avec les forces de l’ordre sont « marginaux et folkloriques », la répression « édulcorée ».

Ressemblant davantage à une « tentative de reconfiguration de la gauche » ou à « une ZAD » (Zone à défendre), le mouvement Nuitdebout est « une réplique du micromouvement des Indignés de 2011 » installé à la Bastille, selon le sociologue. « Cela dure simplement plus longtemps car le pouvoir est affaibli et tétanisé par l’approche des échéances électorales » de 2017.

cld/mra/gf

Lire aussi :

Une réflexion sur “Radio Debout : une radio libre ?

Laisser un commentaire